Bonjour

Voilà, je viens de m'inscrire sur ce forum, et ça me fait vraiment bizarre. Rien que l'idée de parler de tout ça, l'am, la violence... D'en parler à de vraies personnes, et pas à une page, à un carnet, c'est... dérangeant.
C'est mon premier post ici, et je n'ai qu'une envie c'est de vous déballer quelque chose que je n'ai jamais dit à personne.
J'imagine que c'est le fait d'essayer quelque chose de nouveau qui a provoqué cette envie, mais j'aimerais tout vous dire...
Si le sujet n'est pas approprié, vous pouvez l'effacer, rien qu'écrire tout ça m'aura sûrement aidée.
Ce dont j'aimerais parler, je ne l'ai jamais dit, à personne. Même à mes amis, je n'ai rien dit, jamais.
Peut-être qu'avant il faudrait que je vous place dans le contexte, mais je ne sais pas si j'en ai le courage...
En même temps je me dis, autant tout déballer, t'iras mieux après, mais dans le même temps, mon cœur se serre et je sens la pression monter...
Mais je voulais me lancer... Si je suis ici c'est pour parler d'am, comme tout le monde...
Sauf qu'il y a six mois, à peu près, j'ai arrêté brutalement et totalement. Mais ce n'est pas de ça dont je voudrais parler.
J'ai tué quelqu'un.
Pas avec un revolver ou un poignard, non, mais je l'ai laissée mourir...
Elle s'appelait Lily.
On s'était rencontrées grâce à des amis communs sur internet... Sur un forum, on s'était croisées, et on avait commencé à discuter... Elle me semblait plutôt gentille, mais sans plus, pourtant j'ai débuté une conversation avec elle...
Il faut dire tout de suite que ça s'était très mal passé dès qu'on est passées aux mp.
J'étais dans une période où je me sentais un peu fragile, et je m'étais présentée comme une fille sensible, avec les larmes toujours à fleur de peau.
Alors elle a commencé à m'engueuler, comme quoi je n'étais qu'une midinette puérile, et que je n'avais pas ma place dans ce monde puisque je pleurais pour un rien ! Je ne comprenais pas pourquoi elle réagissait comme ça, si violemment, mais ça m'a frappée, quoi, en plein coeur ? Mais je me suis accrochée, je me suis excusée, et je lui ai demandé de se présenter à son tour...
Elle avait vraiment eu une vie de merde. Mais vraiment la plus merdique possible. Son père s'était suicidé, son frère est parti un jour pour ne plus revenir, sa mère la battait, elle était dans une famille d'accueil, écrivait un livre... Je la plaignais beaucoup, me disant que c'était normal qu'elle soit si agressive avec un passé pareil... Alors je me taisais lorsqu'elle me blessait, et j'essayais de l'aider, coûte que coûte... Elle allait mal elle aussi, mais elle n'était tombée ni dans la scari, ni dans le suicide... Elle me disait parfois "t'as vu ce que j'ai enduré ? Je vais pas crever maintenant, dieu serait trop content sinon !" Pourtant, je ne crois pas qu'elle était croyante...
Mais nos mp s'enchaînaient, toujours selon le même rythme : je la blessais, elle m'engueulait, je m'excusais de nouveau, sûrement maladroitement puisqu'elle m'engueulait de nouveau, et moi je me sentais tellement mal, et je m'excusais encore... Mais je ne voulais pas baisser les bras, cette fille avait besoin d'aide, même si elle me rejetait...
Vous devez vous demander pourquoi je m'accrochais autant, qu'est-ce qui me persuadait qu'elle ait autant besoin d'aide ?
Un jour je lui ai dit qu'elle me faisait penser à un hérisson, qui se roule en boule lorsqu'il a peur et blesse tout ceux qui l'approchent.
Elle ne m'a pas démentie, et m'a même dit que la métaphore était juste... Alors je voulais juste l'aider...
Mais un jour, je n'en pouvais plus. Ça faisait un mois environ qu'on parlait, à raison de un ou deux mp par jour environ, et je n'en pouvais vraiment plus. Rien que l'idée de lui répondre encore, de la blesser encore, de devoir m'excuser encore me faisait mal, me blessait... Je ne voulais plus souffrir, mais elle avait tellement besoin d'aide...
Alors, encore, je lui répondais, je m'excusais, mais ça me rendait physiquement malade de devoir lui répondre...
Pendant ce temps, Ophélie, la fille qui nous avait mises en contact, me demandait comme ça se passait, comment je la trouvais, etc... Je ne lui ai pas caché que nos discussions étaient un peu tendues, mais je ne lui ai pas dit à quel point... Elle me racontait à quel point Lily était fragile, mais aussi courageuse ! d'affronter tout ça avec autant de calme et de sérénité...
Alors je me taisais, et je faisais mon possible pour l'aider.
Des jours, ça marchait bien, on enchaînait plusieurs mp de suite, amicaux, gentils, où elle acceptait l'aide que je lui donnais, où elle s'ouvrait un peu... Elle me parlait de sa famille d'accueil, de sa passion pour le cheval, de son cheval qui était mort... J'écoutais, je la rassurais, la réconfortais...
Mais je m'enfonçais aussi...
Un jour où ça allait particulièrement mal, et où elle était en train d'en venir aux insultes, je me suis mise à pleurer derrière mon écran.
Je lui ait dit que je ne pouvais pas continuer comme ça, qu'elle me blessait continuellement, que quoi que je fasse elle me rabaissait, m'humiliait.
Elle m'a dit alors, qu'après avoir passé des examens à l'hôpital, on lui avait diagnostiqué une tumeur au cerveau.
Alors j'ai tout oublié, ma rancoeur, ma haine, ma peine aussi, et je l'ai rassurée, consolée, encore et encore...
Deux semaines plus tard, sa tumeur avait été enlevée, mais elle devait rester à l'hôpital pour des examens supplémentaires.
Plus de mp. Pas une nouvelle.
Ophélie me tenait au courant, elle avait des nouvelles, elle. Je me sentais mal, mal à en mourir...
J'aurais sincèrement voulu qu'elle meure, et je m'en voulais d'avoir ne serait-ce qu'un instant pensé une chose pareille...
Mais en même temps, cette fille me tuait, petit à petit, mot à mot, elle me faisait devenir une moins que rien, je n'étais rien pour elle !
Je ne voulais pas qu'elle meure, mais tout au moins qu'elle m'oublie, que je puisse me reconstruire tranquillement...
Et deux jours après, ou peut-être était-ce une semaine, je ne sais plus, je ne savais plus rien, je flottais...
Une semaine après, elle m'a renvoyé un mp, où elle m'engueulait comme pas possible. J'ai appris plus tard qu'on lui avait trouvé une seconde tumeur, plus étendue encore que la première. Les médecins hésitaient à tenter l'opération...
Pourtant, son mp n'était pas désespéré, loin de là ! Elle m'engueulait comme quoi je n'avais pas bien modéré mon forum !
J'ai eu un moment de rage, de haine pure. Je la détestais pour ce qu'elle me faisait m'infliger. Je la haïssais !
Et je me haïssais de la haïr. Je n'en avais pas le droit. Elle souffrait, c'était normal qu'elle soit agressive, violente, je devais juste l'aider, rien de plus...
Alors je lui ai envoyé un mail, tout doux, mais distant, lui disant que je lui souhaitais tout le courage du monde mais que je ne pouvais plus lui parler, que je ne pouvais plus l'aider, que j'avais besoin de temps pour moi.
Le mail qu'elle m'a renvoyé était terrible. Culpabilisateur à souhait, vengeur, j'étais en larmes à la moitié à peine du message...
Elle m'attaquait directement sur ce qui me touchait le plus, sur ce qui m'était le plus cher...
Alors j'ai arrêté de lui répondre. Un soulagement. Pourtant je lisais toujours ses mails, qui devenaient bizarrement de plus en plus pressants, impérieux. Ils se transformaient petit à petit en appels à l'aide, elle avait besoin d'aide, besoin de moi...
Mais, égoïstement, je ne lui ai pas répondu. Je ne voulais plus lui répondre, plus lui parler, je ne voulais même plus entendre parler d'elle ! Je lui en voulais tellement... Et je me sentais tellement mal... À la fois coupable, et victime.
Mais je lisais toujours ses mails, comme une escalade dans la souffrance... Puis d'un coup, plus rien.
J'ai su le lendemain qu'elle était morte.
Et je suis tombée dans l'am...