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Je suis en manque

Posté : mar. 14 déc. 2004, 13h39
par Vincent
Salut à tous,

Comme l'indique le titre, en ce moment, je suis grave en manque de cicatrice. Ca fait un an que je tiens à coup de neuroleptiques et d'hospitalisations psychiatriques, mais j'en ai besoin.
Pour l'instant, j'arrive à gerer ce manque, j'essaie de l'apprivoiser peu à peu, mais c'est chiant. Je ne peux m'empêcher d'imaginer une nouvelle cicatrice, je la vois presque déjà. Je ne pense pas me brûler, je n'ai pas envie d'imposer ça à mon entourage (c'est bien la seule chose qui me retient) et puis les agraffes, les pansements et les bains en centre de brulés, au final, c'est pas le pied. Mais bon sang qu'est ce que j'aimerais une nouvelle cicatrice. Compléter le travail sur l'avant bras, refaire un peu l'épaule, ça serait tellement bon, apaisant. Encore une greffe, voir la cicatrice apparaître au fil des jours, voir ce nouveau corps se constituer au fur et à mesure, un peu comme une renaissance, c'est tellement apaisant.
Tellement apaisant, mais interdit.

Posté : mar. 14 déc. 2004, 13h57
par Ysilne
Tu as appris a resister, c'est bien... Mais qu'est ce qui te permettrait de perdre ce desir ? :?
Et puis, au fond, ce n'est pas que les autres que ca derangerais je pense. Est-ce que tu n'accorde pas un peu plus d'importance a la maniere dont tu es percu, au moins par certaines personnes ?

Posté : mar. 14 déc. 2004, 15h04
par Vincent
C'est une bonne chose que j'arrive à résister, c'est vrai, mais c'est dur. Bien sûr, il y a des moments où ce besoin est un peu moins pressant comme ces dernières semaines, mais il est toujours là.
En ce qui concerne l'importance de la manière dont je suis perçu, bah elle est assez faible. Il n'y a que le regard de mon amoureuse qui m'importe et c'est en partie pour elle que je résiste. Si je résiste, c'est pour ne pas faire de peine à mon entourage, à ma famille. Et puis il y a mon travail, mon boss n'accepterait pas un énieme arrêt de travail. Mais si je n'étais pas avec Eléna, j'envisagerais sérieusement de me brûler. Je sais que ce n'est pas la solution mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour apaiser cette espèce de tension interne.

Posté : mar. 14 déc. 2004, 15h33
par Azza
Grâce à Eléna, il me semble que tu peux voir ton corps autrement : Il n'est pas que pour toi, il est l'interface avec les autres et particulièrement avec ceux qui t'aime ; quand tu lui fais du mal, tu portes atteinte au lien, au contact avec l'autre.
Mais tu dois vivre parfois des tensions presque insupportables (Je dis presque parce que tu les supportes depuis 6 mois), j'espère que tu trouveras d'autres moyens pour les évacuer...

Posté : mar. 14 déc. 2004, 16h40
par Vincent
Je crois que c'est trés vrai, je n'y avais pas encore pensé, mais mon corps n'est pas qu'à moi.
Mais lorsque je me brûle, il y a peu de place pour l'autre. Comme dirais le psychiatre qui assure mon suivi : psychose à tendance paranoiaque, destructuration de la pensée, perte de contact avec la réalité, tendance autistique à l'isolement. Je le sais trés bien tout ça, mais trouver moi autre chose à part les cicatrices. Ca fait deux ans que j'y réfléchis mais je trouve rien d'autre qui soit aussi pertinent.
Je voudrais évacuer cette tension, la canaliser, j'y arrive mais c'est trés dure. D'un côté, je créve d'envie d'avoir une nouvelle cicatrice, mais d'un autre côté, je ne souhaite pas retourner à l'hôpital, je ne souhaite pas faire de mal à mon entourage. Parfois, c'est dure.

Posté : mar. 14 déc. 2004, 16h45
par Pandora
Mon cher Vincent, en as-tu parlé avec ton psy ? Qu'en dit-il ?

Posté : mer. 15 déc. 2004, 18h11
par Vincent
Oriane,

J'ai vu quelques psy, ils ne disent pas tous les mêmes choses.
Certains me disent de faire un travail de paroles pour "faire de la brûlure" sans en faire en vrai.
Certains me disent qu'il faut espacer les brûlures au maximum, histoire de laisser au temps le temps de faire son travail.
D'autres me disent que la seule chose qui puisse me détourner des cicatrices, c'est de ressentir des émotions, de vivre comme ça je m'en détournerai. Je crois que c'est vrai, il faut véritablement vivre, comme ça la vie aura un prix tel se brûler n'en vaudra plus la peine. Le psychiatre que j'ai vu lors de mon hospitalisation avait trés bien cerné ça, je suis fasciné par les cicatrices. Je trouve que c'est la chose la plus puissante que j'ai jamais réalisé. C'est douloureux certe, mais la cicatrice permet de changer de corps sans lui porter atteinte. Rien d'autre n'y parvient aussi bien que la cicatrice. Je ne veux pas faire un plaidoyer de la brûlure et de la cicatrice mais dites moi quel moyen permet de changer de peau. Il n'y en a aucun à part la cicatrice. Elle permet de changer la texture, l'apparence, le toucher, absolument tout. Je suis fasciné lorsque je regarde mes photos de greffe. Ce corps est naissance est l'une des plus belle chose que j'ai jamais faite.
Malgré ce puissant attrait, je me retiens, je ne me brûle plus, mais qu'est ce que j'aimerais une nouvelle cicatrice.

Posté : mer. 15 déc. 2004, 18h21
par Ysilne
dites moi quel moyen permet de changer de peau. Il n'y en a aucun à part la cicatrice. Elle permet de changer la texture, l'apparence, le toucher, absolument tout.
On a deja eu cette discussion. Pour l'apparence, il y a beaucoup de choses, a commencer par les tatouages.
Le toucher... C'est plus difficile. Les piercings et implants sont tres localises.

Mais le vrai probleme, c'est pourquoi en changer ? Remplacer ta peau par une autre ? Pourquoi l'une serait mieux ? Au contraire, celle que tu choisis t'handicape.

Posté : mer. 15 déc. 2004, 18h29
par Vincent
Pourquoi changer de peaux ?
C'est une question à laquelle il est bien compliqué de répondre. Je commence à avoir quelques éléments de réponse. Bien sûr il y a la question de pourquoi changer de peau. Imaginons que je réussisse à répondre à cette question. Ce sera un grand pas, mais ça n'enlèvera pas la fascination que j'ai pour la possibilité de changer de peau. Il y a les raisons, l'acte et les conséquences.
Les raisons, bon, je vois ça avec les psy.
L'acte, me brûlé ne ne fait pas vraiment kiffer, je ne suis pas maso, avoir mal ne me branche pas.
En revanche, les conséquences (les cicatrices), c'est ce que je recherche en priorité.

Posté : mer. 15 déc. 2004, 18h31
par Ysilne
C'est plus pour le fait d'avoir une nouvelle peau, ou le processus d'en changer ?

Posté : mer. 15 déc. 2004, 18h40
par Vincent
Bonsoir Ysabelle,

Je crois que c'est le fait d'avoir une nouvelle peau, mais le processus (si l'on excepte la brûlure) m'attire également. J'adore regarder les photos des blessures à différents stades de cicatrisation. J'adore le processus de constitution de la cicatrice.

Posté : mer. 15 déc. 2004, 19h03
par Ysilne
ok, donc ce n'est pas que le processus. Donc tu devrais logiquement pouvoir te satisfaire de ce que tu as deja fait, non ? :euh:

Posté : jeu. 16 déc. 2004, 21h11
par Azza
J'aime bien quand tu dis que "vivre" rendrait les brûlures inutiles. J'ai un film qui m'a traversé la tête : Vincent qui se regarde le nombril, le temps passe, les arbres fleurissent, font des fruits, un écureuil le regarde, des gens s'assoient à côté de lui, un enfant appelle...il continue de se regarder le nombril...
As-tu déjà essayé de faire une expérience phénoménologique : tu regardes autour de toi, où que tu sois, et tu décris tout ce que tu vois ; tu fermes les yeux et tu décris tout ce que tu sens avec ton nez, ton corps, tout ce que tu entends...Quand mes enfants sont nés, quand ils sont sortis de ce monde étroit et obscur qu'est un ventre maternel, je les ai vu se déplier, goûter la vie, le bruit, la lumière, avec un plaisir évident...C'est beau la vie !

Posté : ven. 17 déc. 2004, 12h31
par Vincent
Azza,

Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire avec cette histoire de Vincent qui se regarde le nombril.

Posté : ven. 17 déc. 2004, 13h15
par Pandora
Une question me traverse l'esprit, Vincent. Que dit ta compagne de tout ça ? En parles-tu avec elle ?

Et je pensais aussi. Ne serait-il pas utile pour toi, de prendre une feuille blanche et de tracer tout ce système qui t'attrappe au passage et vient te titiller. Pourquoi ça commence ? Un regard sur une de tes cicatrices, la vue du'n outil dont tu te servais....ect, tu vois ce que je veux dire. Quel est le détail d'apparition de ces tourments, et comment évoluent-ils habituellement. Mais attention, ce qui est important, c'est le va et vient des sentiments, des angoisses, des impressions, toi, ta propre évolution au sein d'un tourbillon, tu vois ce que je veux dire ?? :euh: Quelles pensées te traversent l'esprit ? et ce, à chaque "stade" habituel.

Et maintenant, qu'en est-il ? Tout est similaire ??