brome, si cette brochure t'a aidée, tant mieux. Comme tu as pu le lire, pour d'autre elle est dangereuse.
Tu dis que c'est une approche non jugeante. Je trouve que sous prétexte de déculpabiliser, elle autorise. A aucun moment ta brochure ne signale que l'automutilation est un comportement à éviter, qu'on peut en sortir, qu'il y a de meilleures manières de gestion. Il y est question de minimiser les risques, on y montre que se faire mal est banal, courant, se fait depuis toujours... Ce n'est pas normal. C'est de la mise en danger. Une approche non pathologisante, certes, que fais-tu des 50% de personnes qui s'automutilent qui ont une pathologie ? J'encouragerai toujours à consulter. Je me demande vraiment quelle vision tu as de l'automutilation. As-tu lu des études sérieuses, des articles de recherche, connais-tu le risque suicidaire que provoque l'automutilation (pas par une blessure trop grave comme certains le croient, mais parce qu'à force d'utiliser l'automutilation pour continuer sans prendre soin de soi on accumule trop pour ne pas tomber dans la dépression sévère) ?
On peut déculpabiliser autrement. J'admets très volontiers que l'automutilation n'est pas si grave, qu'il vaut mieux ça à d'autres comportements. Les troubles du comportement alimentaires, certaines drogues... ça peut avoir le même objectif tout en étant bien plus destructeur à long terme. L'automutilation est très souvent bénigne dans le type de blessure, même si ça peut aussi handicaper lourdement. Ce n'est pas une raison pour l'accepter. Oui, on peut accepter que parfois on n'a pas les ressources pour faire sans, et qu'il vaut mieux ça qu'autre chose.
Je choisi encore parfaitement sciemment de me blesser parfois, parce qu'il vaut mieux une douleur sans conséquence physique qu'une crise de panique au volant. Et pourtant, je sais que ce n'est pas une bonne méthode. Si la douleur a un effet calmant immédiat, elle a un effet sur la reconnaissance, la gestion et l'expression des émotions qui dure bien plus longtemps. Le fait de se blesser est addictif, et empêche d'accéder à de meilleures méthodes.
Les gens sans soucis, heureux, bien entourés, sans pathologie, ceux-là savent gérer les petits et gros tracas du quotidien. Seuls parfois, en faisant appel à leur entourage au besoin.
Si tu as lu le site, tu verras qu'il y est dit clairement que parfois on n'est pas prêt pour arrêter. Et c'est ok comme ça, tant qu'on ne se met pas en danger et qu'on n'encourage pas les autres.
Sur le forum aussi, il a été répété plusieurs fois qu'il n'est pas nécessaire de vouloir arrêter pour discuter ici.
Mais il y a une grande différence entre ne pas vouloir arrêter et trouver bien de continuer.
En lisant la brochure, je lis un message de dédramatisation qui va trop loin, alors qu'il aurait suffit de quelques phrases pour éviter ça.
Tu as tout à fait raison quand tu dis que nos expériences et nos manières de prendre soin de nous sont diverses. C'est ce qui a motivé la création de ce forum. Ici, le choix à été fait il y a 12 ans de créer un lieu de réflexion, dans le cadre le plus safe possible. D'autres forums permettent de s'exprimer "cash", de détailler son automutilation, ou de se faire de gros câlins virtuels... Ce n'est pas le genre ici.
Alors si des gens sont ultra sensibles et ne veulent pas risquer d'aller mal, je continuerai de leur proposer un lieu sans photos potentiellement choquantes, sans descriptions précises de blessures ou de méthodes, etc.
Sérieusement, à quoi sert de mettre une photo quand on parle d'automutilation ? A choquer le grand public qui n'y connait pas grand-chose ? A étaler sa douleur au grand jour alors que ça ne permet pas d'obtenir d'aide ni de se sentir mieux ?
Ce que ça fait vraiment, ces photos, les dessins de lames, les descriptifs :
-ça fait mal aux personnes sensibles, ça leur donne envie de recommencer
-ça pousse à la compétition. Combien de fois j'ai vu des jeunes qui, en découvrant une photo/méthode/conséquence de l'AM se sont dit que ce qu'ils faisaient n'était pas pas aussi grave, mais que peut-être leur souffrance serait reconnue si la blessure était plus importante... Voir d'autres blessures peut aussi lever un tabou personnel.
-ça nous fait passer pour des "fous" auprès des gens pour qui ça reste un tabou important. Il est bien plus facile de les sensibiliser par des mots choisis, ça évite des réactions de rejet violent.
-ça stigmatise ceux qui se blessent différemment, ça perpétue l'idée que l'automutilation est le fait de se couper. Je pense vraiment que les gens qui se frappent, par exemple, sont moins susceptibles de chercher de l'aide parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans l'image renvoyée par les médias et quelques groupes.
Tu penses que cette brochure ne fait pas l'apologie de l'automutilation. Ce n'était peut-être pas son intention, je ne peux pas en juger. Pourtant, c'est exactement la forme que prendrait un texte pro-AM pour rester toléré et légal, à peine plus loin et une limite serait franchie qui empêcherait le bénéfice du doute. Et encore, je pense qu'une plainte pourrait aboutir, un forum avait fermé pour des raisons similaires.
Je comprends que des parties puissent aider. Certaines questions sont pertinentes, et se questionner sur son AM est vraiment un exercice utile. D'ailleurs,
c'est proposé ici aussi.
On donne aussi des alternatives anti-AM, sur le forum et sur le site.
Quand la brochure évoque les tatouages, les rites de société ou le BDSM, il n'y a pas de texte explicatif clair pour préciser que ces comportements sont différents. Ca peut sembler évident, mais ça ne l'est pas. Ca encourage les amalgames, et des gens qui pensent que les personnes qui s'automutilent sont masochistes, il y en a déjà bien trop.
Selon la personne qui lit ses passages, elle peut trouver qu'effectivement se faire mal n'est pas si grave, elle peut se dire que finalement c'est plutôt normal, elle peut trouver des arguments pour continuer, elle peut réfléchir à ce qui distingue vraiment tous ces comportements... C'est pour ça qu'il manque quelques phrases qui expliquent les différences, qui précisent que si des adultes consentants peuvent souhaiter se faire mal, l'ado de 13 ans qui lit ça n'est pas du tout dans la même situation et doit chercher de l'aide.
Encore une fois, on peut dire que se blesser n'est pas si grave sans dire que c'est normal. Et là, ce n'est pas clairement exprimé.
J'ai lu très clairement que la blessure se fait dans un état de dépersonnalisation, et ce n'était pas écrit que c'est le cas seulement pour une partie des gens.
Je ne ferai pas d'entorse à la charte pour ce document (de toute façon je suis officiellement rigide, j'assume

), surtout s'il a déjà heurté des gens ici. Si un document sensé aider peut avoir l'effet inverse, ne faut-il pas l'améliorer ?
Mais si tu veux continuer à échanger, c'est très volontiers, vraiment.

La douleur qui se tait n'en est que plus funeste.
RAC. Androm. III, 3.