Il est possible que vous soyez ici sans être sûr que votre proche s’automutile. Vous avez peut-être vu des marques suspectes sur ses bras, des mouchoirs tâchés de sang, ou êtes inquiet pour sa santé mentale en général. L’automutilation est aussi parfois un sujet de reportages télévisés qui peuvent inquiéter. Il est normal de s’inquiéter pour un proche, mais il faut aussi faire attention à ne pas voir de démons là où il n’y en a pas. Tout individu et en particulier tout adolescent est susceptible de traverser des moments difficiles, sans pour autant nécessairement faire d’automutilation.
On pourrait écrire une liste exhaustive de tous les endroits du corps généralement blessés, de toutes les excuses utilisées pour justifier les blessures, de toutes les méthodes utilisées pour masquer les coupures ou bleus. La vérité est que le meilleur moyen de savoir si une personne s’automutile est de lui demander, et d’espérer qu’elle réponde sincèrement. Si des blessures fréquentes vous font peur, il est important de demander d’où viennent ces blessures; si c’est une humeur triste qui vous fait peur, cette tristesse mérite aussi d’être discutée. Dans tous les cas, même si vos peurs étaient infondées, une discussion bien menée montrera votre intérêt pour votre proche, et vous rassurera. Vérifier par vous-mêmes ou demander à voir est à proscrire : c’est une violence et une atteinte à l’intimité, qui risque de nuire à la confiance et à la possibilité d’un soutien futur.
Parler d’automutilation avec votre proche est un premier pas qui peut avoir plusieurs effets bénéfiques. En en parlant, vous faites comprendre à votre proche que vous êtes là pour lui, que vous le remarquez, que vous le soutenez. Vous lui faites comprendre qu’il n’y a pas de sujets tabous, et que son bien-être est assez important pour parler de sujets même difficiles. Par la même occasion, vous vous aidez aussi vous-même à gérer votre anxiété par rapport à vos doutes, plutôt que de les laisser planer. Si votre proche arrive à s’ouvrir sur le sujet, alors vous aurez tous deux gagné un temps précieux pour lutter contre cela, avant que la situation empire. Et si la discussion ne mène à rien, alors vous aurez au moins ouvert une porte pour de futures discussions.
Comment discuter d’automutilation dépend de votre relation avec la personne. Dans tous les cas, choisissez un endroit neutre (salon, cuisine) et intime (sans personne autour) où la personne ne se sentira pas enfermée ou prise au piège. Une discussion en face à face, forçant le regard droit dans les yeux, peut être très difficile à vivre pour la personne souffrante. Un bon compromis est d’être assis côte à côte. Le but est que votre proche se sente le plus à l’aise et en sécurité possible. Il ne faut en aucun cas que vous accusiez, envahissiez, ou imposiez ; ce serait contreproductif. Les mots doivent être clairs, sincères, non jugeants, et tournés vers la personne. Il faut que la personne sente que vous êtes avec elle, et non contre elle.
Pour cela, le mieux est de surtout parler au départ de vos propres sentiments et impressions :
« J’ai vu des blessures sur tes bras »
« J’ai l’impression que tu es très triste ces temps-ci »
« Je m’inquiète pour toi »
« J’ai entendu parler de l’automutilation, et ça me fait peur »
Vous pouvez aussi utiliser des phrases impersonnelles :
« J’ai lu que l’automutilation était courante chez les jeunes. »
« J’ai lu que des blessures comme tu as sont un signe courant d’automutilation et je me pose des questions. »
Finalement, quand vous poserez la question, posez-la sans détour ni enrobage :
« [Prénom], est-ce que tu t’automutiles ? »
Si la personne se sent assez à l’aise, et assez en confiance envers vous et envers elle-même, alors elle vous répondra sincèrement et vous saurez ce qu’il en est. Il est aussi possible que votre proche ne vous réponde pas, ou vous mente sur la réponse. Cela arrive en fait couramment. Si tel est le cas, il n’y a rien de plus que vous puissiez faire pour le moment ; insister ne ferait qu’empirer sa résistance à vous parler. Il vous est de toute façon impossible de vérifier s’il dit la vérité ou non. Discuter de quelque chose d’aussi intime que l’automutilation est très difficile, et une personne qui se blesse ressent généralement de la honte par rapport à cela. En parler demande beaucoup de courage, de confiance, et d’honnêteté envers soi-même.
Quelle que soit la réponse obtenue, l’important est que vous ayez demandé et qu’il sache désormais que vous êtes là pour lui au besoin. Il est fort possible que votre proche revienne de lui-même vous parler, plus tard, ou que le début de discussion avec vous l’incite à en parler à quelqu’un d’autre. Vous avez lancé une bouée et c’est tout ce que vous pouvez faire. Peut-être qu’il n’en a pas besoin, ou peut-être qu’il n’ose pas la prendre pour l’instant; dans tous les cas, c’est désormais son choix. Votre rôle en tant que proche est de soutenir, de tendre la main, c’est à la personne de décider si elle veut cette main tendue ou non.