Se sentir impuissant
En tant que parent, les sentiments les plus durs à accepter sont probablement l’impuissance et la culpabilité. Avec l’automutilation, vous êtes confronté à un problème que vous ne pouvez pas résoudre par vous-même. Ce n’est pas une douleur qu’un câlin fera disparaître, ce n’est pas une maladie qu’une pilule fera disparaître, ce n’est pas un comportement qu’une punition fera disparaître. C’est infiniment plus complexe, et même si vous faites tout ce qu’il faut, il se peut que vous ayez besoin de l’aide d’un professionnel et que ça prenne beaucoup de temps. Et non seulement la douleur de votre enfant[1] est difficile a traiter, mais en plus cette douleur vous échappe, vous n’y avez pas accès, elle est en lui. Il se peut que votre enfant vous parle, il se peut que votre enfant ne vous parle pas, il se peut aussi que votre enfant lui-même n’ait aucune idée de pourquoi il souffre tant. Dans tous les cas, vous ne pouvez rien forcer, et en êtes réduit à accepter. L’impuissance est un sentiment terrible, et il est normal que ça vous pèse. Essayez de vous rappeler que vous n’êtes pas totalement impuissant, pas totalement démuni. Le fait que vous ne puissiez pas tout résoudre ne signifie pas que vous n’aidez en rien; chaque geste compte, chaque intention compte, chaque petite victoire compte. Vous n’êtes pas tout-puissant, mais vous n’êtes en aucun cas impuissant.
Éviter de se blâmer
La culpabilité est aussi un sentiment courant, et souvent une conséquence de l’impuissance ressentie. On ne sait pas qui accuser, alors on s’accuse soi-même. Mais est-ce juste? Comme dit précédemment, il se peut que vous ayez fait des erreurs, que ce soit dans le passé ou le présent. Mais vous accuser, vous rabaisser, vous sentir coupable n’y changera rien. Si vous pensez faire quelque chose de mal, changez votre comportement. Si vous regrettez profondément une action passée, alors parlez-en à quelqu’un, voyez vous-même un psychologue au besoin, mais votre culpabilité n’aidera pas votre enfant. Et dans beaucoup de cas, la culpabilité est injustifiée, juste un moyen de déverser sa colère, trouver un ennemi sur qui s’énerver. Si vous n’avez rien fait de mal, vous n’êtes coupable de rien. Vous n’êtes pas tout puissant, tout n’est pas sous votre contrôle, donc tout n’est pas de votre faute.
Une épreuve en tant que couple
Gérer l’automutilation d’un enfant est également une épreuve majeure pour un couple. Chaque membre du couple peut avoir des manières différentes de vouloir gérer la douleur de l’enfant, et également des manières différentes de gérer sa propre douleur. Le jeu de la culpabilité peut également se jouer à deux, quand chercher un ennemi est plus facile que d’affronter son sentiment d’impuissance. Gérer la tension dans votre couple devient alors primordial. Les conséquences de disputes dans le couple sont multiples : elles empêchent d’aider efficacement, elle vous font souffrir et vous privent de votre propre réconfort amoureux, et elles font du mal à votre enfant qui se sent coupable de celles-ci. Le support et la discussion dans le couple sont vitales, pour le bien de toute la famille. Le fait de savoir gérer et discuter vos émotions entre vous peut également être un exemple pour votre enfant. Certains parents décident de prendre quelques séances de thérapie de couple ou de thérapie familiale pour aider à gérer les conflits qui surgissent en ce temps de crise.
Rester un parent
L’autorité est également un paramètre particulier à votre situation. En tant que parent, vous ne pouvez pas tout accepter, tout laisser faire. Votre enfant a besoin de soutien pour aller mieux, d’amour, d’acceptation de lui tel qu’il est, mais il a aussi besoin de limites et de discipline. Vous serez constamment confrontés à ce problème, et ce sera à vous de poser les limites. Vous avez le droit de poser des exigences raisonnables. L’important est cependant de vous adapter à la situation présente, et d’expliquer à votre enfant que vous l’aimez, même si vous lui imposez un cadre. Dans plusieurs cas, ce genre d’attitude pourra même aider votre enfant car il se sentira traité comme un enfant « normal », pas comme un être malade et ultra fragile. Une structure avec des paramètres sains peut être une aide précieuse pour quelqu’un qui va mal, et lui redonner une impression de stabilité. Il est à noter que si vous vous comportez différemment avec votre enfant, il se peut que ce soit ressenti comme une injustice par vos autres enfants. Il faudra alors aussi discuter de la situation avec eux.
Prendre soin de vous-même
Finalement, gérer l’automutilation vous change nécessairement en tant que personne. Vous êtes pris dans une nouvelle réalité, et devez vous réadapter. Même le fait de recevoir des conseils ici sur comment gérer votre enfant peut être difficile à accepter. Vous devez aussi vous redéfinir auprès des autres, votre famille, vos amis. Briser ou non le tabou de la santé mentale, affronter la peur de se faire juger en tant que parent, devoir garder des secrets au besoin. Il est aussi possible que la douleur de votre enfant résonne en vous et vous rappelle vos propres douleurs. Vous gérez une situation, une situation qui est très loin d’être unique, mais qui reste très particulière. Prenez-le en compte, ménagez-vous durant ce temps. Et n’oubliez pas de chercher du soutien pour vous-même dans cette épreuve difficile.
[1]Le terme « enfant » est utilisé pour remplacer fils ou fille. Il est important de se rendre compte cependant que votre enfant est maintenant (probablement) un adolescent, un individu à part entière.